Le huitième chapitre marque une inflexion délicieuse dans la dramaturgie du récit : après l’appréhension, voici venue l’heure des premières confrontations, celles où les postures sociales se dessinent, où les masques se mettent en place, où le pouvoir se jauge avec une minutie presque cérémonielle. Il y a, dans ces premiers instants de prise de fonction, un parfum de scène théâtrale à la Molière — mais transposée au cœur d’un port industriel, avec pour décor des conteneurs et des grues colossales.
Le trio de bienvenue — Antoine, Garrel et Serin — compose un tableau d’une précision quasi picturale. Chacun d’eux incarne une figure du pouvoir intermédiaire : la DRH glaciale dont le regard semble aiguisé comme une lame administrative ; le directeur adjoint gonflé d’un orgueil que l’on devine patiemment cultivé au soleil de responsabilités qu’il estimait mieux lui convenir ; et enfin Serin, dont la cordialité presque trop sincère tranche délicieusement avec la rigidité des deux autres. La littérature n’a cessé de le rappeler : la véritable adversité ne réside pas dans les dangers visibles, mais dans les frictions feutrées des hiérarchies humaines. Ce chapitre en fournit une illustration exemplaire.
La rencontre entre Aliénor et ce petit cénacle offre un ballet d’une rare finesse psychologique. Les poignées de main — sèches, tièdes, appuyées ou superficielles — deviennent autant de déclarations silencieuses. L’usage calculé du nom au lieu du titre agit comme un poison mondain, une forme discrète de contestation symbolique. Et l’héroïne, loin de s’y laisser prendre, dégaine la diplomatie avec la précision d’une escrimeuse : calme, polie, mais intraitable. Lorsqu’elle exige d’être appelée « Madame la Directrice », ce n’est pas un caprice mais un geste fondateur — l’ancrage inaugural de son autorité dans un univers où elle ne pourra se permettre aucune faille.
L’irruption du mystérieux « Siccardi », dont la voiture usurpe la place réservée, introduit une touche pimentée d’intrigue interne. Ce simple détail logistique, relevé avec une véhémence presque comique par Garrel, soulève d’un coup un pan entier de la cartographie sociale du port. Qui est cet homme qui provoque les cadres dirigeants avec une désinvolture si délibérée ? Le lecteur n’en sait encore rien, mais l’ombre portée de son existence suffit à enrichir la tension narrative.
Enfin, la scène se clôt sur un moment d’ironie savamment orchestrée : la réunion avec les partenaires sociaux, inévitable et soigneusement non reportée. Le faux-apitoiement de Garrel, prétexte transparent à une mise à l’épreuve prématurée, offre à l’héroïne l’occasion d’un trait d’esprit contenue — ce « tâter la température » qui, sous sa légèreté apparente, sonne comme un défi silencieux lancé à l’ensemble du port.
Ainsi, ce chapitre 8 se lit comme une petite leçon de stratégie humaine. Derrière les échanges policés, l’autrice déploie un art consommé du sous-texte, où chaque mot vaut un coup, chaque geste une revendication, chaque sourire une frontière. Aliénor, seule au milieu de ce théâtre bureaucratique, montre une maîtrise qui augure autant de sa force que des tempêtes à venir. Une entrée en matière, assurément, mais déjà un avant-goût du combat.
liaflandey
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Il y a 9 jours
L’épreuve du feu avec le sourire en plus. Ali sait se faire respecter et occuper sa place. C’est un bon début pour elle ou pas…
Je suis très curieuse quant cette réunion.
Encore un chapitre pertinent et bien construit qui la positionne dans ses nouvelles fonctions. Elle n’a pas l’air d’avoir trop de doutes. A voir par la suite si sa certitude ne s’égrène pas à la vitesse de l’éclair 🤣
Bettina Dumon
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Il y a 12 jours
Le pire c'est d'attendre la suite.
On connaît déjà 1 personne ou 2 qui vont sûrement essayer de la saboter.
JulieDauge
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Il y a 12 jours
oui, c'est l'avantage et l'inconvénient de suivre une histoire en même temps qu'elle se construit ^^ pas besoin d'attendre des mois, mais il faut attendre entre chaque chapitre :)
patou50
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Il y a 12 jours
j'adore , mais comme d'hab j'aime pas attendre la suite mdr
JulieDauge
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Il y a 12 jours
oui, c'est l'avantage et l'inconvénient de suivre une histoire en même temps qu'elle se construit ^^ pas besoin d'attendre des mois, mais il faut attendre entre chaque chapitre :)
10 commentaires
Roumet Sébastien
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Il y a 6 jours
liaflandey
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Il y a 9 jours
Bettina Dumon
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Il y a 12 jours
JulieDauge
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Il y a 12 jours
patou50
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Il y a 12 jours
JulieDauge
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Il y a 12 jours