Imaginez un livre qui commence par la fin. Non pas un coup de théâtre, mais un effondrement méthodique de la logique narrative. Chaque page tournée vous éloigne du point d’origine tout en vous y ramenant, comme si le temps lui-même n’était qu’un concept défectueux. Voilà ce que vous tenez entre vos mains. Et peut-être, voilà ce qui vous attend.
Ce récit, qui semble poser les premières pierres d’une histoire, a été écrit après JOURNALISTE(s)*, son prolongement. À ce stade, parler d’un « ordre » serait absurde. Tout se joue ici dans l’anomalie : les événements s’inversent, les causes succèdent aux effets. Ce n’est pas une coïncidence ; c’est une mécanique implacable, presque clinique, conçue pour ébranler vos certitudes. S’aventurer dans cet univers revient à pénétrer un miroir craquelé, où chaque éclat ne renvoie qu’un fragment épars, sans jamais révéler l’ensemble.
Soyons clairs : lire ce livre après JOURNALISTE(s), ou dans l’ordre imposé par la publication, reviendra à défier la structure même de votre compréhension. Les personnages, leurs gestes, leurs silences : tout se révélera et se brouillera à la fois. Certains passages vous sembleront familiers, comme un souvenir flou, d’autres échapperont à toute logique. Vous devinerez parfois des réponses avant même d’avoir formulé les questions ; mais cela aussi, finalement, n’aura rien d’un hasard.
Il faut s’y résoudre : la mémoire n’a pas de flèche. Elle se tord, se replie, s’épuise dans des spirales absurdes. Nous nous accrochons à l’idée d’un déroulement cohérent, mais il suffit d’un rien — un mot, une page, une pause dans un chapitre — pour que tout s’effondre. Ce livre ne vous proposera rien d’autre qu’un labyrinthe. Ce n’est pas un choix, c’est une fatalité.
Alors, voici votre avertissement. Ce que vous allez lire n’est pas une histoire, ou alors ce n’est qu’un ersatz d’histoire, déformé, fragmenté. C’est un artefact, un objet étrange qui joue avec vos certitudes. La temporalité y est un piège, les vérités s’y diluent comme des fumées. Vous n’aurez pas de réponses claires ; vous n’aurez que des impressions, des éclats d’évidence qui disparaîtront aussitôt.
Et pourtant, vous lirez. Parce qu’au fond, vous aimez ça : l’incertitude, le vertige. Alors tournez la page, mais souvenez-vous — rien de ce qui suit n’est vraiment à sa place.
* Paru le 26 avril 2023, JOURNALISTE(s) est la suite de REVERSIBLE, publié plus tard mais situé au commencement de l’histoire. Entre journalisme, absurde et métaphysique, le roman questionne : la réalité partagée n’est-elle qu’une illusion ? Si ce qui échappe à l’observation n’existe pas, sur quoi reposent nos certitudes ?
1 commentaire
mikewouiche
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Il y a 10 mois