Hors-Série

Noctombule

Hors-Série Noctombule La damnée

La damnée

Elle posa son bois au bout cramé sur la dalle en béton poinçonnée d'abimes et délicatement, tel un fil de soie empoigné à un chat d’aiguille, elle commença à griffonner des paroles insensées, accompagnées par un air craquelé de clapotis d’eau, s'avachissant goute à goute et encombrant la vieille bouteille d’huile à col étêté, au rythme de la vie et la mort. Cet entrelacs de lettres qu’elle aplatissait frénétiquement sur ce sol criard et les murs ondulés de la maison, étaient essentiellement composées par des espèces de signes et symboles endogènes à ce peuple ancien qui disparut et dont la légende affirmait le pouvoir de lire dans toutes choses. Ces dernières formulées dans une intonation cultuelle, auraient même le pouvoir de révéler ce qui se cache au-delà des murs de la cité. Azal avait les doigts noircis et abîmés par les bouts de bois et la chaux qu'elle grattait à longueur de journée sur le sol et les murs de la maison excommuniée. Ses longs ongles irréguliers étaient encombrés de crasse et ses yeux nourrissaient tellement de vide qu'on y entrevoyait tout au fond l'abyssalité de son âme. La pauvre n’y pouvait rien. Elle n'avait pas choisi sa vie d’abreuvoir à tous les maux de la cité. Et même si le ciel s’était détourné de leur maison, elle nourrissait tout de même l’espoir qu’un jour, ils puissent reprendre une place dans les grâces du seigneur. Elle et son père père y croyaient mordicus. Il faut dire que toutes sortes d’âmes déchues passent à travers elle comme dans une maison d’hôtes. Elles s'invitent, s'y installent dans ce corps chétif en se greffant à son âme jusqu'à ce qu'une prochaine déloge la pensionnaire et s'y mette à son tour. Sa chair était devenue une sorte de guenille que ces dernières s’échangeaient au gré de leurs transhumances. Au-dessus de ses neuf ans, Azal n'a jamais eu vraiment de vie hors de chez elle. À quelques exceptions, la limite que son père et tous ces regards que les gens lui imputèrent était le pas de la porte. Elle était trop dangereuse pour se risquer au delà. Elle devait passe ses journées à parler à ces pèlerins qui l’assaillent tel un sanctuaire interdit.